C’est quoi le syndrome de l’imposteur ?

Retranscription complète de mon Podcast La Buvette – Episode n°32

Aujourd’hui je vous emmène avec moi, sur la terrasse d’un café.

Je suis confortablement installée à ma table, avec un perrier tranche, et à côté de moi également installées à une table, il y a deux jeunes femmes discutent ; et j’avoue que je tends l’oreille parce que j’adore écouter les gens discuter entre eux, c’est mon petit côté voyeuriste à moi (rires), mais surtout je trouve toujours les conversations de café très enrichissantes et poignantes d’authenticité.

A cette table il y a une jeune femme qui s’appelle Charlotte et qui discute avec son amie. J’apprends alors que Charlotte elle est écrivaine et qu’elle vient de publier un livre, son premier livre, elle est donc écrivaine publiée. Dans la conversation, j’entends Charlotte dire à son amie « si tu savais qui je suis vraiment, ce bouquin c’est un coup de bol », elle continue : « j’ai peur que les gens comprennent que je suis pas une vraie écrivaine », « j’ai eu un sacré coup de chance, mais ça tiendra pas longtemps les lecteurs vont finir par s’en rendre compte ».

Alors son amie prend le contrepied, elle lui énumère ses réussites, à quel point elle l’admire etc mais vraiment Charlotte n’entend rien de tout ça ; « tu es exactement comme ma mère et ma grand-mère, tu m’idéalises », ce à quoi l’amie répond « Et toi tu te dévalorises constamment », « tu préfères faire capoter tes chances plutôt que d’assumer ton talent ». Mais, autant de fois qu’elle puisse lui dire à quel point son livre est super, à quel point elle a du talent,  et bien autant de fois Charlotte attribuera ce faux succès à des évènements extérieurs, à des personnes, à de la chance ou du hasard.

Elle lui explique ensuite qu’elle enfile un costume d’écrivain pendant les rencontres auxquelles elle ne dit pas non – puisqu’évidemment elle refuse la moitié des invitations par peur d’être démasquée pour sa médiocrité – et qu’ensuite elle redevient la « vraie » Charlotte, la « toute simple » Charlotte, qu’elle retire son masque. Elle lui explique qu’elle ne se sent pas authentique dans ce rôle-là, et que la vraie Charlotte est une fille banale, qui adore trainer chez elle en pyjama pilou-pilou, bien à l’abris des regards. Elle continue en jurant que ce qu’elle fait, et bien n’importe qui peut le faire. Elle a vraiment l’impression d’avoir réussi grâce à de la chance, grâce à du hasard, et elle ne prend aucun mérite pour son travail. Et quand bien même elle dispose-t-elle de toutes les compétences requises pour écrire un livre, elle n’a vraiment pas confiance en elle, en ses capacités et en son talent. Elle ne reconnait pas sa valeur et elle a l’impression qu’elle ne mérite pas cette réussite-là, elle a l’impression de mentir implicitement à son entourage et à ses compères écrivains, les « vrais écrivains » comme elle les appelle ; sous-entendu qu’elle en est une « fausse ».

De là où je me tiens, sur ma chaise en osier avec mon perrier dans la main, je cerne bien le sentiment désagréable que ressent Charlotte, ce sentiment d’être illégitime et le sentiment que ses capacités sont surestimées.

Pour chaque compliment qu’elle reçoit, elle a mille et une explications possibles pour son succès mais jamais son mérite et son travail acharné n’en font partie bien évidemment. Elle déclare même à son amie que son livre est complétement nul.

Donc de là où nous sommes assis, vous et moi, à cette table de café sur cette terrasse ; on comprend bien que Charlotte se sabote complétement. On comprend qu’elle a un déficit de confiance en elle qui est énorme et que même ce qui semble être une réussite – la publication de son livre – et bien c’est tout de suite minimisé, et elle trouve des excuses à son succès et elle a l’impression qu’elle va être démasquée par les gens pour son incompétence à écrire un livre et pour être une autrice publiée. Elle est vraiment dans le dénigrement d’elle-même, dans la honte, dans la culpabilité et peut-être même dans l’anxiété vu la façon dont elle ronge ses ongles. 

Bref, notre chère Charlotte n’a l’air ni sereine, ni réjouie par son accomplissement personnel.

Alors, revenons sur ses mots à son amie lorsqu’elle lui a dit qu’elle était comme sa mère et sa grand-mère car elle l’idéalisait ; en fait ce qu’il faut savoir sur Charlotte c’est qu’elle a toujours été survalorisée par sa mère et sa grand-mère. Depuis qu’elle est enfant, quoi qu’elle fasse, elle était placée sur un piédestal, durant ses études, puis encore aujourd’hui dans sa vie de jeune adulte ; toutes ces années de survalorisation à répétition l’ont menée doucement vers le chemin tortueux du syndrome de l’imposteur. Et depuis très jeune, elle ne se sent pas en mesure de gérer ça, elle se sent pressée et oppressée sous ce regard d’affection, certes, mais finalement de survalorisation.

Aujourd’hui, elle a l’impression qu’elle a toujours vécu comme ça, qu’elle a toujours été comme ça, qu’elle s’est toujours sentie comme ça ; d’être finalement bonne à rien et prise – à tort – pour une personne ultra compétente, pour la meilleure.

Les échecs et les erreurs par contre, ça, elle se les attribue bien ! Parce qu’en réalité, ce que vous ne savez pas sur Charlotte, c’est qu’avant son premier roman qui est édité et vendu actuellement, elle en avait déjà écrit un autre qui n’a jamais été publié, refusé par plusieurs maisons d’édition et ça elle n’a de cesse de le rappeler à tous ceux qui la félicite pour son succès ! Et elle a honte des critiques qu’elle reçoit et elle culpabilise parce qu’elle ne se sent pas légitime dans sa réussite. Ce qui est intéressant, c’est qu’elle se définit plus par ce qu’elle ne réussit pas ou qu’elle n’a pas réussi, que par ce qu’elle entreprend et réalise. Elle est très exigeante envers elle-même et du coup très facilement déçue, mais là où ça va encore plus loin, c’est qu’inconsciemment, Charlotte se définit des objectifs absolument inatteignables pour se justifier à elle-même qu’elle en est bel et bien incapable.

Mesdames messieurs, je vous présente le syndrome de l’imposteur.

Le syndrome de l’imposteur il repose sur 3 piliers : la peur de tromper les autres, la peur d’être démasqué et l’attribution de ses succès à la chance, au hasard, ou aux autres.

Alors vous l’aurez compris cette histoire est entièrement fictive et inventée par mes soins, c’était très sympa de me sentir en terrasse avec vous l’espace d’un instant – je voulais simplement vous mettre dans une histoire, quelque chose de palpable, d’entrainant afin que ceux qui souffrent de ce syndrome puisse s’y reconnaitre aisément et que ceux qui ne le connaissent pas puisse l’identifier et comprendre de quoi il s’agit.

Alors voyons ensemble comment est-ce que Charlotte pourrait se défaire de ce Syndrome de l’imposteur ? il y a toujours une bonne nouvelle sur la Buvette ; le syndrome de l’imposteur n’est pas une impasse.

  1. Avant tout, d’en prendre conscience – d’où la petite histoire – et d’en parler. Dédramatiser. Ecrire. Echanger. Ecouter des témoignage. On se rend compte déjà qu’on n’est pas seul et que c’est un syndrome rependu. Pourquoi écrire ? et bien déjà pour vous parler à vous-même et porter à votre conscience ce qu’il se passe en vous, dans ce syndrome de l’imposteur. Vous allez prendre conscience de vos croyances limitantes, présentent en vous depuis plus ou moins longtemps. Vous allez prendre conscience de l’estime que vous avez de vous-mêmes. La faible estime de soi se développe généralement pendant l’enfance, c’est très courant, c’est presque normal, ce n’est pas grave et encore moins irrémédiable.
  2. Intégrer que cela appartient au passé et qu’il ne s’agit plus de vous aujourd’hui est donc primordial. Notre égo et tout notre système met des stratagèmes en place pour assurer notre survie à un moment donné précis de notre vie, par la suite ces stratagèmes-là, qui ont été vraiment finement rodés et adaptés à vous, ne sont plus forcément nécessaires et ils peuvent même devenir des freins ; et bien comme dans ce cas-là du SDI, il est essentiel de les identifier, les remercier – car ils vous ont aidé, ils ont été là pour une raison – et leur indiquer gentiment la sortie !
  3. Acceptez vos réussites, vos succès ; il n’y pas de prétention à reconnaitre ses mérites lorsque l’on se base sur des faits ; dressez une liste des exploits et des victoires que vous avez rencontrées dans votre vie. Apprenez à identifier vos points forts. Je vous invite également à cesser la comparaison et surtout le pleasing people ; le fait de chercher à plaire aux autres est aussi une facette du syndrome de l’imposteur. Travailler sur sa confiance en soi est intéressant mais attention, sans tomber dans l’injonction sociétale ; avoir confiance en soi n’est pas une injonction, sinon ça va à l’encontre même de cet aspect-là ; avoir confiance en soi c’est tout d’abord s’accepter tel(le) qu’on est et donc pas forcément chercher à changer des choses pour plaire ou pour rentrer dans le moule ou pour répondre à des injonctions sociétales ! Acceptez d’être en marge, de ne pas être dans le rang ; c’est votre plus grand force c’est votre originalité, c’est votre personnalité ; acceptez- d’être pleinement qui vous êtes. C’est donc ne plus chercher une validation extérieure et acceptez, embrassez si j’ose dire, votre singularité. Avoir confiance en soi nécessite après l’acceptation de soi, l’amour de soi. Mais pour s’accepter et s’aimer il est essentiel d’apprendre avant toute chose à se connaitre ; je vous le dis souvent, apprenez régulièrement à vous connaitre comme si vous rencontriez une nouvelle personne. Soyez curieux curieuse de votre personnalité, de vos centres d’intérêt, de vos valeurs, de ce qui fait du sens pour vous ; toujours avec la même bienveillance, la même compassion et la même écoute que vous accorderiez à un inconnu. Ayez un regard plus juste sur vous-mêmes, plus objectif. Pourquoi ne pas développer une autoévaluation de vous-même plutôt que d’attendre l’évaluation et l’approbation des autres ?
  4. Identifier vos pensées automatiques ; nous avons tous des pensées automatiques négatives – et là dans ce syndrome de l’imposteur elles sont très présentes et elles nourrissent beaucoup de choses à l’intérieur de nous – il est donc largement temps de les remplacer par des pensées plus réalistes, plus positives qui sont basées sur des faits et la réalité. Charlotte, elle a réussi ; elle est autrice publiée, c’est un fait. Il est nécessaire pour elle de prendre conscience que ses pensées automatiques négatives l’incitent et la mènent à croire sincèrement qu’elle n’a pas réussi, alors qu’elle a réussi : Charlotte est une autrice, une écrivaine, une romancière publiée. Prendre conscience de ces pensées là c’est déjà un grand pas.
  5. Réajustez vos objectifs en des choses qui soient réalisables ! On l’a vu avec Charlotte ; choisir des objectifs qui sont inatteignables c’est le meilleur moyen de renforcer votre faible estime de vous-même et votre sentiment d’incapacité, d’ailleurs on fait ça exactement pour se prouver qu’on a raison est qu’on est incapable parce que on est un imposteur (incroyable notre auto persuasion, n’est-ce pas ?). Je vous invite donc à faire les choses progressivement, par étapes, step by step ; et sans pression et ça coulera tout seul, c’est ça la vie ; un long fleuve tranquille, n’est-ce pas ?

J’ai pris l’exemple de la survalorisation aujourd’hui avec Charlotte, mais évidemment la dévalorisation aura les mêmes conséquences, des propos répétés dévalorisants à un enfant, jeune adulte, des remarques constantes, des reproches, des critiques, tout ça créera un terrain propice à ce syndrome-là, fragilisera la confiance de l’enfant en lui-même, en ses valeurs, ses capacités.

Je vous parle de ça et bien parce que, personnellement, j’ai vécu les tourments d’un père aux propos dévalorisants et d’une éducation paternelle qui poussait constamment à la compétition : il faut être le meilleur, le premier, etc, et en fait ça m’en a dégoutée (je me rappelle même d’un cross en athlétisme où j’avais délibérément choisi de terminer dernière, en attendant que les plus lents puissent me doubler, pour finir dernière et ne pas rentrer dans cet esprit de compétition que je vomissais et de cette pression que je ne supportais plus, et presque par esprit de contradiction à montrer à mon père que je pouvais être dernière), bref, petite anecdote rigolote ; et aujourd’hui j’ai du mal à m’attribuer pleinement mes mérites, mes réussites, j’ai tendance à dénigrer mon travail, mes créations, mes productions, ou tout autre chose qui puisse émaner de moi ; j’en ai conscience c’est moins présent mais ça l’est toujours.

Et en fait l’idée, c’est que ça ne tient qu’à moi d’en faire quelque chose de positif et de brillant pour moi-même. Ce n’est pas le parent qui est à blâmer, les parents font de leur mieux, sans aucun doute, j’en suis persuadée et chacun est responsable de sa relation avec soi-même. Toutes les étapes de transition de vie, ce sont des bâtons, des perches, que la vie nous tend justement pour prendre conscience de qui l’on est, et de qui l’on veut être, qu’est-ce que l’on veut incarner comme valeurs. Il nous appartient à chacun de décider de nous servir de ces leviers, de ces apprentissages pour prendre encore un peu plus conscience chaque jour de notre véritable être profond, de nos capacités, de nos forces, de nos libertés, de notre responsabilité et surtout de notre relation avec nous-même, de l’amour que l’on se porte, de notre estime de nous-même et de la bienveillance que l’on peut avoir envers soi. C’est très intéressant et je vous invite à aller voir à l’intérieur de vous ce qu’il se passe à ce niveau-là.

Ce qu’on retrouve dans l’histoire de Charlotte ça me fait un peu penser à l’image que l’on donne de soi aujourd’hui ; on vit des vies de vitrines, et personne ne montre l’arrière de la boutique un peu miteuse aux odeurs douteuses et aux amoncellements de bazar. Il se trouve que ça joue malheureusement aussi sur ce syndrome de l’imposteur car on pense qu’on doit afficher une personnalité sans faille, solide, lisse, magnifique, brillante et sans défaut, sans blessures, sans cicatrices. Mais l’humilité dans tout ça, elle est où ? On façonne une vitrine jusque dans le moindre détail et qui ne correspond pas pleinement à la réalité. C’est l’exemple typique d’Instagram. On devient tous des Gatsby le magnifique, on devient prisonnier de notre propre personnage, des personnages de séduction, de recherche d’approbation, et on finit par ne plus pouvoir vivre tels que nous sommes vraiment. Le syndrome de l’imposteur est étroitement lié à cet aspect-là, à ce que l’on renvoi aux autres et à ce que l’on est vraiment – c’est lorsque la limite s’estompe et qu’on ne sait plus vraiment dans quel rôle nous sommes légitimes ou non – on se perd totalement, ça peut nous mener à une réelle crise identitaire où l’on ne sait plus qui l’on est, et ce syndrome il peut se développer à ce moment-là parce que l’on n’a plus confiance en qui l’on est.

Alors aujourd’hui et bien je nous invite ensemble, à être plus humbles, à apprendre à laisser les autres nous voir tels que l’on est, à voir nos faiblesses, nos erreurs, nos insécurités, nos peurs ; c’est ce qui fait de chacun de nous des êtres authentiques, touchants et magnifiques.

Voilà, pour le syndrome de l’imposteur.

Je vous remercie pour votre lecture et j’espère que cet article vous aura parlé et qu’il vous aura plu.

Si vous êtes concernés n’hésitez pas à en parler et si vous connaissez des gens qui souffrent de ce syndrome n’hésitez pas surtout à leur partager cet article ; en parler, écouter des témoignages, écouter des podcast à ce sujet c’est très intéressant déjà pour diminuer la culpabilité qu’on peut ressentir et puis pour ne pas se sentir seule et se sentir compris et entendu.

Je serais curieuse également de savoir comment vous avez imaginé Charlotte ; plutôt brune plutôt blonde, cheveux courts, cheveux, longs, pas de cheveux, tatouée, piercing, lunettes, chapeau, robe, pantalon, short, salopette bref, décrivez-moi votre vision de Charlotte que l’on remercie pour sa participation à cette émission aujourd’hui.

En attendant, prenez soin de vous, toujours.

A très bientôt,

Margaux.

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